RessourcesVeille
Tout le monde sait que la curiosité est un vilain défaut, et voilà donc encore un mot ambivalent pour qualifier le veilleur, mais nuançons très vite : tout dépend évidemment de l’objet sur lequel cette curiosité se concentre. Soyons clairs : un veilleur qui ne serait pas curieux des thèmes qu’il surveille serait à peu près aussi utile à l’organisation qui l’emploie qu’un commercial sans bagoût ou qu’un informaticien qui se ficherait des besoins des utilisateurs (on me dit qu’il en existerait?).
La curiosité est l’aiguillon qui va permettre au veilleur de ne pas se contenter des données que tout le monde possède déjà. Tout comme le journaliste, le veilleur a le devoir de creuser son sujet à la recherche d’une piste fraîche, d’indices inédits. Le signal faible, parce qu’il est par nature quasi-insaisissable, est sa quête du Graal à lui. Il le traque en permanence, consciemment au départ, puis en tâche de fond, parce qu’il sait qu’il est sans doute là où il ne l’attend pas, ou pire, qu’il est devant lui mais qu’il ne le voit pas.
En creusant un peu, on peut penser qu’un des ressorts de la curiosité n’est autre que le doute. C’est parce que je doute des informations que je possède déjà que je vais chercher à les croiser et à les compléter avec d’autres. C’est parce que je doute d’un fait qui semble établi (notre concurrent Y n’ira jamais sur tel marché) que je vais émettre des hypothèses contradictoires puis chercher les indices me permettant de les confirmer ou de les infirmer. Comme dans tout travail d’investigation, le doute doit être constamment présent à l’esprit du veilleur. Ce n’est pas une seconde nature chez lui, c’est sa nature. En allant plus loin dans la psychologie de ce dernier, on peut même penser que la pratique du doute, cartésien ou pas, est ce qui le fait avancer en permanence. D’abord dans son travail quotidien mais aussi dans une meilleur reconnaissance et prise en compte des biais cognitifs qui peuvent teinter ses analyses. Mais nous y reviendrons dans le prochain billet.
« A l’origine de toute connaissance nous rencontrons la curiosité. Elle est une condition essentielle du progrès. »
Alexandra David-Neel