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Vie, mort et résurrection dun favori web 2.0
Est-ce à dire que nous devons arrêter de « tagger » à tout va ? Non bien sûr car la richesse de folksonomies nest pas dans leur usage individuel, comme leur nom lindique bien, mais dans les flux dinformation quelles génèrent et dont elles permettent la mise en commun. On peut tenter de mieux comprendre la spécificité de ces nouveaux services en relisant les travaux de Pierre Lévy sur la notion dobjet et notamment larticle dont je tire les extraits ci-dessous :
(L)objet doit être le même pour tous. Mais, dans le même temps, il est différent pour chacun, au sens ou chacun est à son égard dans une position différente. () Il se trouve, simultanément ou alternativement, entre les mains de tous. De ce fait, chacun peut y inscrire son action, sa contribution, son impulsion ou son énergie. L’objet permet non seulement d’amener le tout auprès de l’individu mais encore d’impliquer l’individu dans le tout. ()
Finalement, l’objet ne tient que d’être tenu par tous et le groupe ne se constitue que de faire circuler l’objet.
Incroyables résonnances dun article datant de 1995 avec les folksonomies daujourdhui et, plus globalement, avec le mouvement collaboratif inhérent au web 2.0.
La folksonomie cest cet objet qui nexiste que lorsquil passe de mains en mains. Plus dynamique que les systèmes de classement précédents, la folksonomie existe dans l’interaction immédiate qu’elle permet de tous avec tous, de tous avec les données de tous. Sa valeur est dans l’usage immédiat car nous consommons de plus en plus et nous consommons dans linstant : des flux dinformations et de données, des liens, des relations aux autres, Cette consommation est un cercle vicieux (ou vertueux cest selon) car pour consommer il faut quil y ait matière à cela. Laccélération évoquée plus haut fournit précisément cette matière et la consommation que nous en faisons accroît en retour laccélération, un peu comme lorsquune boule de flipper prend de la vitesse en rebondissant de bumper en bumper.
Grâce aux tags et aux fils rss quils génèrent automatiquement, les folksonautes sapproprient des liens, vos liens, en les filtrant, les expurgeant, mais aussi en les agrégeant à ceux de milliers dautres folksonautes. Ils les utilisent dans linstant, cherchant par exemple à repérer une source dinformation nouvelle quils mettront ensuite sous surveillance. Cela fait ils enregistrent ladresse de la source « pour plus tard », la réinjectant ainsi dans le flux de la folksonomie. Une action aux conséquences paradoxale que lon pourrait quasiment décrire dans un vocabulaire religieux, puisquen « inhumant » une page dans la « nécropole » personnelle que constitue leur compte en ligne ils lui redonnent finalement vie.
Bien entendu cet effort de « taggage » collaboratif doit aussi être maintenu pour la simple et bonne raison quil permet la création au fil de leau dun véritable annuaire du web irréalisable autrement, annuaire du pauvre certes mais annuaire quand même avec ses notices, titres, descriptions et mots-clés, et lon na finalement pas trouvé mieux pour compléter les moteurs de recherche classiques.
Pourtant linévitable question de la conservation des liens se pose. A une époque où se créent plus de 120 000 blogs par jour et où 55% dentre eux disparaissent dans les trois mois qui suivent (derniers chiffres Technorati) on peut se demander ce qui restera de cet archivage dans quelques années (mois? semaines?). Je nai pas de réponse à apporter, il me semble en effet que se pose ici la question plus générale et quasiment philosophique du « pourquoi on archive? ».