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S’il est un signal fort que la veille sur internet se banalise c’est bien celui qui est envoyé ces temps-ci par les équipes de campagnes des deux candidats-stars.
Un article du Monde intitulé "La campagne de Mme Royal sous surveillance", daté de fin janvier, nous apprend que du côté de l’UMP on la joue plutôt classique avec une organisation en mode "task force" qui a été surnommée "cellule riposte". Elle est chargée de plusieurs missions, toutes ayant bien entendu pour objectif de servir la campagne de Nicolas Sarkozy, avec un mot d’ordre rappellé chaque jour par le boss (d’après les journalistes) : "On lui répond factuellement mais on ne l’agresse pas".
On trouve dans cette cellule tous les ingrédients d’un système de renseignement offensif :
- un veilleur (pour l’occasion une veilleuse d’ailleurs) chargée de suivre l’agenda de la candidate socialiste "Voyages à l’étranger, déplacements en province, réunions publiques et
interventions dans les médias, tout est recensé." - la même personne est chargée de la veille sur internet : débats sur les sites
Internet de gauche, les critiques sur les blogs, les vidéos qui
circulent, bref, "le buzz [bruit médiatique] sur l’adversaire". - des élus "analystes" qui décortiquent les propositions de Ségolène Royal pour mieux la contrer
- des élus "caisses de résonnance" qui se passent le relais pour "tacler" la candidate socialiste lorsqu’elle commet une bourde
Un système simple qui a fait ses preuves et qu’on a pu voir à l’oeuvre ces dernières semaines sur l’affaire des femmes battues, de l’indépendance du Québec ou du coût du programme socialiste.
Du côté du PS, un peu comme ce qui s’est fait dans la dernière présidentielle américaine, on a décidé d’exploiter à fond le web et les usages qui en sont fait actuellement. "Mon équipe de campagne, c’est vous, partez convaincre, soyez fiers de cette espérance" a lancé d’un ton quasi-messianique la candidate socialiste lors du récent meeting de Rennes. Il est vrai qu’ici le concept de campagne participative n’est pas un vain mot. Depuis décembre 2006 on peut en effet se rendre sur le site e-militants et choisir de jouer un rôle dans celle-ci en devenant :
- e-colleur d’affiches : "je parle de la campagne autour de moi, je diffuse des informations auprès de mon entourage."
- e-débatteur : "je fais entendre ma voix sur les espaces publics du net."
- e-créateur :" j’ai des compétences artistiques et/ou techniques que je souhaite mettre au service de la campagne"
- et surtout e-veilleur : "je suis ce qui se dit dans les forums, ce qui se publie
sur Internet …. Je vous signale des messages ou des articles
intéressants. Je vous alerte sur les offensives en ligne de la droite,
les attaques, les mensonges, les rumeurs."
Promotion virale, discussions informelles, veille individuelle, saupoudrés d’un peu de technique, autant d’usages qui montrent que l’équipe web du PS connait les dimensions et usages sociaux du web d’aujourd’hui.
Par ailleurs je pense que la candidate de gauche dispose elle aussi d’une "task force", a minima pour traiter l’information transmise par les e-veilleurs, ainsi que de personnes relais permettant à l’information recueillie et traitée d’être exploitée contre le candidat de droite. La veille pour la veille, fut-elle participative, n’aurait sinon aucun sens.
Outre l’affrontement emblématique de deux modèles de veille (dont on pourra ou non tirer des conclusions d’ordre politique), il est intéressant de noter que :
- la veille est maintenant vraiment entrée en politique. Il ne m’étonnerait pas d’ailleurs qu’après cette campagne quelques postes se créent dans les grands partis tant la tâche est réelle. Je pense notamment à la veille sur internet. Il peut être utile, par exemple, de savoir au plus vite que la vidéo "off" d’un candidat tenant des propos politiquement incorrects circule sur Dailymotion. Soit pour préparer les éléments d’une communication de crise, soit pour l’exploiter contre lui (cet exemple n’a évidemment rien à voir avec un fait réel).
- la veille se banalise. Comme je le pressentai il y a deux ans et comme le montre la campagne participative de Ségolène Royal, tout le monde peut devenir veilleur, et c’est normal car tout le monde dispose maintenant d’outils lui pemettant de mettre très facilement sous surveillance tout et n’importe quoi. Ce qui nous pose de nouveau à nous, veilleurs et documentalistes, la question de la création de valeur ajoutée
Modèle centralisé contre modèle participatif, un combat à suivre de prêt.