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Ci-dessous une chronique publiée dans Veille Mag de décembre 2005. Je me suis un peu éloigné de mes centres d’intérêt habituels et remercie Olivier pour son aimable et attentive relecture.
Le 17 novembre dernier les 176 participants du Sommet
Mondial sur la Société de lInformation (SMSI) se sont engagés par la
Déclaration de Tunis à combler le fossé numérique existant entre pays du Nord
et du Sud dici 2015.
Lagenda[1] qui laccompagne
précise que si la mise en uvre de moyens financiers, politiques et juridiques est
indispensable elle ne saurait suffire à la réduction de la fracture numérique
et invoque sans les nommer précisemment les principes de laccès ouvert et de
lauto-archivage des publications scientifiques, concrétisant ainsi lidée qui veut
que la meilleure façon daider lindigent à se nourrir est de lui apprendre à
pêcher.
Ces principes ont été définis au début des années 90 par des
scientifiques aux prises avec les évolutions du fonctionnement dun système éditorial
centré depuis la fin du XVII ème siècle sur lobligation de révision par les
pairs (peer review) et de publication dans des revues savantes.
Le premier facteur dévolution est venu dun ressentiment
croissant des chercheurs envers les grandes maisons dédition comme Elsevier,
Springer ou Blackwell, qui, tout en leur demandant de céder leurs droits sur
les articles quils produisaient, augmentaient (augmentent toujours!) les
tarifs dabonnement aux revues nécessaires à leurs travaux. Sentiment dexaspération
également devant la stratégie commerciale de certains dentre eux qui, contre
un peu de battage publicitaire, nhésitaient pas à communiquer des résultats de
recherches inédits à la presse généraliste avant de les adresser à lensemble
de la communauté scientifique.
Le second est lié à ce fameux mécanisme dévaluation des
articles par les pairs qui, bien quindispensable, rend certains travaux
obsolètes avant même leur publication et ralentit ainsi la dynamique de la
recherche.
Le troisième facteur est bien sûr limmixtion dans ce contexte
du Web et de sa formidable capacité à diffuser instantanément linformation.
La conjonction de ces éléments va rapidement produire un
résultat prévisible puisque dès 1995 le chercheur en sciences cognitives Stevan
Harnad lance une « subversive proposal » dans laquelle il appelle les
chercheurs à publier leurs prépublications en libre-accès sur des serveurs web
ouverts dans lesquels la communauté scientifique mondiale pourra piocher à lenvi[2].
Cette idée dauto-archivage est indissociable de celle daccès
ouvert (open access) qui consiste à proposer gratuitement des revues
scientifiques numériques de qualité.
Dix ans plus tard il existe un peu plus de 7000 serveurs de
prépublications scientifiques et techniques et environ 1000 revues libres
contre 25000 payantes. Le succès nest pas total mais lidée que linformation
scientifique doit être libre et gratuite fait son chemin, dautant que certaines
études tendent à montrer que le taux de citations des articles en accès ouvert
est souvent plus élevé que celui des articles de revues classiques, un argument
qui devrait pousser de plus en plus de
chercheurs à adopter ce modèle.
Pourtant chaque système génère ses propres blocages et celui-ci
néchappe pas à la règle.
Publication ouverte et blogs personnels
approximatif car le premier problème est bien de les identifier afin de les
référencer. Une piste damélioration pourrait venir des weblogs qui, en assurant
la transition dun système centralisé vers un système décentralisé, ferait de
chaque scientifique léditeur de ses propres prépublications, justifiant ainsi
pleinement le terme dauto-archivage. Techniquement il me semble que la
difficulté est loin dêtre insurmontable. Les plateformes de blogs générent automatiquement
des fils rss[3] qui sont une version
simplifiée du langage XML. Il suffirait dune adaptation des métadonnées de ce
format vers celui qui a été défini pour les publications scientifiques, lOpen
Access Initiative Protocol for Metadata Harvesting (OAI – PMH), pour que chaque
article puisse être indexé par les robots dun « moissonneur OAI » de
type OAIster. Par ailleurs, doubler cette solution dun système déclaratif tel
quon peut en trouver sur les moteurs généralistes, ou dun service comme
Ping-o-Matic, permettant dinformer les moteurs de la mise à jour de son blog, consoliderait
le système. En effet, un scientifique qui publie actuellement sur ce type de
serveur doit finalement faire confiance à ceux qui le gèrent quant à la
propagation de son article vers le plus grand nombre de serveurs ouverts
possibles. Sachant que son but est évidemment dêtre lu par le maximum de
confrères il ne serait pas impensable de mettre à sa disposition les outils et
services lui permettant dassurer personnellement sa promotion.
De nombreux thésards et chercheurs utilisent déjà les blogs
à cet usage mais sont confrontés à au moins deux obstacles. Le premier concerne
le point évoqué plus haut de la non-compatibilité du protocole Rss avec le
protocole OAI-PMH qui les oblige à dupliquer leur article sur un serveur ouvert.
Le second est celui du mélange entre le côté intime du blog et la rigueur qui
est de mise sur un média professionnel. Certains chercheurs-bloggeurs ont déjà
pu Outre-Atlantique faire les frais du ton un peu trop libre de leurs billets
et cest tout leur parcours professionnel qui risque den pâtir car, sur le web
plus quailleurs, les écrits restent. Pour éviter ce type de contamination
dommageable il faut sans doute imaginer des services tournés uniquement vers
lunivers professionnel. Nul doute que la communauté Open Source dans laquelle
les scientifiques sont fortement représentés pourrait facilement y pourvoir.
Revue par les pairs ou gestion de la réputation ?
donnant à chaque scientifique la possibilité de proposer en accès ouvert des articles
dignes de confiance sur son propre weblog. Il ne sagirait pas de passer outre
la nécessaire validation par les pairs mais tout simplement den modifier les
modalités, car de quoi sagit-il ici sinon de gérer la réputation de quelquun,
et donc la confiance quon peut lui accorder ? Cest une problématique que
lon retrouve depuis les débuts du web et qui connaît déjà plusieurs solutions allant
de la notation des vendeurs sur eBay aux systèmes plus complexes de
recommandations présents sur les services de « réseautage » en ligne[4]
professionnels de type Viaduc, OpenBC ou 6nergies. Cest également lidée par
exemple dun service comme Squidoo (en beta) qui permet à chacun de créer une
page personnelle centrée sur ses domaines dexpertise et qui est dotée par
défaut dun mécanisme de notation apte à assurer (ou non !) sa réputation.
Un tel système amélioré et sécurisé ne serait-il pas susceptible
de se substituer, ou, à tout le moins, dépauler le mécanisme traditionnel de
revue par les pairs ?
Enfin gageons quun dispositif un peu élaboré de labelisation
personnelle (tagging) semblable à celui proposé par le service en ligne del.icio.us[5],
pourrait parfaitement assurer un classement viable des articles de la
communauté scientifique à court et moyen terme, quitte à le doubler plus tard dun
système de classement plus classique. Deux services allant en ce sens existent
dailleurs déjà, il sagit de Connotea, créé par la revue Nature et de
CiteUlike.
Pour en revenir à la réduction de la fracture numérique il me
semble évident que les outils permettant aux scientifiques des pays du Sud de
sinformer et de publier leurs travaux existent en partie ou pourraient facilement
être déployés en modifiant de manière minimale certains services existants.
Le fond du problème nest donc pas là mais, dune part, dans
certains choix qui remettraient en cause le fonctionnement actuel du système de
lédition scientifique en modifiant notamment le critère dévaluation constitué
par le facteur dimpact[6] dune
revue, c’est-à-dire sa notoriété et, par effet miroir, celle des scientifiques qui
y sont publiés. Dautre part dans le refus des éditeurs scientifiques de
renoncer à leurs revenus
Ressources
complémentaires :
- Site
de lInist entièrement consacré à la problématique de lOpen Access :
http://www.inist.fr/openaccess - Communication
scientifique et Internet : site de lINRA consacré à lOpen
Access : http://www.tours.inra.fr/prc/internet/documentation/communication_scientifique/comsci.htm - Bimpe
(Base dInformation Mutualiste sur les Périodiques Electroniques),
sélection doutils et dinfos sur laccès ouvert : http://bimpe.free.fr/outils_et_infos_ao.htm - Base
de données listant lensemble des revues en Open Access : http://archives.eprints.org/
Articles intéressants à télécharger sur @rchiveSIC, serveur
ouvert de publication en sciences de linformation :
- Christian
Gerini : L’ « Open Access »,
pour une réelle liberté de la communication scientifique : état des lieux
et problématiques, avril 2005, http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00001425.html - Michèle
Battisti : Libre accès à linformation scientifique et
technique : état de lart et perspectives, septembre 2004, http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00001068.html - Nathalie
Pignard : La publication scientifique sur Internet, juillet 2003, http://archivesic.ccsd.cnrs.fr/sic_00001414.html
Sur le protocole
OAI-PMH :
Site de lOpen Archives Initiative : http://www.openarchives.org/
Services utiles pour
les veilleurs :
dans les archives ouvertes :
- OAIster :
http://oaister.umdl.umich.edu/o/oaister - Citeseer : http://citeseer.ist.psu.edu/
- Hal (Hyper
Article en Ligne) (fr) : http://hal.ccsd.cnrs.fr/ - Thèses
en ligne (fr) : http://tel.ccsd.cnrs.fr/ - Lister
les citations dun auteur ou dun article - Citebase :
http://www.citebase.org - Citeseer : http://citeseer.ist.psu.edu/
- Déclarer
la publication de nouveaux billets sur un blog - Ping-O-Matic : http://pingomatic.com/
- Pingoat : http://www.pingoat.com/
- Services
de bookmark sociaux pour chercheurs : - CiteUlike :
http://www.citeulike.org/ - Connotea : http://www.connotea.org/
- Service
de recherche dexpert : - Squidoo
(actuellement en version beta) : http://www.squidoo.com/
[1] La section 90-k invite à appuyer « les institutions à but éducatif, scientifique et culturel, notamment les bibliothèques, les archives
et les musées, dans leur mission, qui consiste à élaborer et préserver des
contenus variés et à offrir un accès équitable, ouvert et peu coûteux à ces
contenus, y compris les contenus numériques, pour faciliter l’enseignement
formel et informel, la
recherche et l’innovation».
[2] Pour être complet il faut
noter que ces serveurs existaient depuis 1991 avec la mise en ligne du site
arXiv (arxiv.org) par lUniversité de Los Alamos. La proposition de Stevan
Harnad a accéléré le phénomène.
[3] Veilleurs syndiquez-vous !, Christophe Deschamps, Veille
Magazine n° 67, septembre 2003
[4] Se faire un carnet dadresses avec les services de réseaux sociaux
, Christophe Deschamps, Veille Magazine n° 69, novembre 2003
[5] Del.icio.us
(http://del.icio.us) permet par exemple de hiérarchiser ses tags au fil de
leau. Il propose également de catégories déjà existantes en sappuyant sur les
tags dautres utilisateurs pour chaque nouvelle information à enregistrer
[6] Calcul effectué sur la
base du nombre de fois où un article est cité sur une période de deux ans
divisé par le nombre d’articles publiés durant cette même période dans cette
même revue.