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Très récemment a eu lieu à Londres une conférence organisée par David Gurteen
intitulée "Making knowledge work". La présentation réalisée par Dave Snowden,
ancien directeur de l’institut IBM pour le KM et actuel directeur du "Cynefin
Centre for Organizational Complexity", a semble t’il particulièrement marqué les
esprits. Un peu de provocation n’y est sans doute pas pour rien (il a commencé
par les mots "KM is dead .. We know this to be true because government is now
its biggest customer ") mais le reste de son propos me semble vraiment
intéressant.
Il
a commencé son exposé en présentant différents systèmes dans lesquels se meuvent
les organisations:
- Connu: où les causes et les effets sont répétitifs et
prévisibles - Connaissable: domaine du probable où les causes et les effets se
répètent mais sont éloignés dans le temps et l’espace - Complexe: là où les
causes et les effets sont cohérents retrospectivement et ne se répètent
qu’accidentellement - Chaotique: domaine de l’inconcevable où il n’y a
généralement aucune relation de cause à effet perceptible
Ces différents
environnements entraînent des comportements différents, aucun comportement
n’étant faux en soi mais pouvant être faux s’il n’est pas celui requis par
l’environnement.
Les deux premiers sont ceux que préfèrent les entreprises,
ceux où elles se sentent à l’aise. Mais elles ont tendance à vouloir appliquer
les mêmes recettes, et notamment celle de la reproductibilité des expériences,
aux domaines du complexe et du chaotique, là où elles n’ont pas de
pertinence.
Pour ces environnements Dave Snowden propose une approche où
l’humain n’est plus vu comme un terminal de traitement de l’information
("information processing appliance") capable de prendre des décisions
rationnelles en fonction des éléments qui lui sont fournis, ce qui est en soi
irrationnel puisque d’après lui "The only humans who analyse all the
data and then make a rational choice are autistic, but economists insist this is
the way we all work."
Il propose donc de passer à un mode de travail
différent du mode linéaire (une question –> une réponse, la bonne
information au bon moment), un mode qui serait celui de la vision
périphérique.
Pour arriver à cela il faut laisser les personnes
organiser leurs informations au niveau de granularité qu’elles jugent pertinent et
leur proposer d’utiliser des outils de tagging qui permettront l’émergence d’un
ecosystème personnel de liens et de contenus flexible et réorganisable en
fonction du contexte.
Il faut également leur permettre d’utiliser des outils qui ne leur
imposeront pas l’information mais leur permettront de l’obtenir au moment voulu
(outils d’information contextuels) ou lorsqu’ils le jugeront utile.
Il faudra
accepter les failles inhérentes à ce système, à savoir le fait de passer de
temps à autre à côté d’une information parce qu’au lieu de chercher à atteindre
une exhaustivité illusoire on posera une vision périphérique, à la mode d’un
radar sur notre environnement.
L’idée principale est qu’il faut accepter l’incomplétude car
le temps passé à l’atteinte de la perfection est une perte pour l’entreprise.
Je
ne suis pas sûr que l’on soit prêt à entendre cela dans le pays de Descartes
mais à mon sens l’accroissement exponentiel des données fait qu’il faudra bien y
venir. Tout comme le héros du film "Minority Report" interprète des blocs d’information
tridimensionnels en y cherchant des anomalies avec sa propre subjectivité comme
filtre (et parce qu’il est incapable de traiter les données une par une) il
faudra bien que l’on apprenne à traiter notre "trop plein quotidien" d’informations d’une
manière plus systémique sous peine de s’y noyer. D’autant que les données qu’on
aura laissé passer ne sont pas perdues à jamais. La masse d’informations
présente sur le web et sa diffusion mémétique entraîne sa répétition quasiment
à l’infini. Ce que vous raterez aujourd’hui à toutes les chances de réapparaître
sur vos écrans demain.
Pour Dave Snowden plusieurs outils actuels permettent ce
nouveau mode de traitement de l’information à un niveau personnel:
- Weblogs for
collective sense making, narrative flow and connected conversations - Social
tagging for emergent meta-data and serendipity - Wiki for co-working and shared
spaces - Presence and perspective sharing to know who is where and what they
are doing - Personal and group aggregators to create our ambient
inputs
Un discours qui personnellement me conforte dans l’idée que
l’avenir du KM est à un renversement de perspective vis-à-vis de l’utilisateur
final. En lui attribuant la place centrale et en lui donnant les outils
appropriés il devient de fait un agent actif du KM dans son organisation tout
simplement parce que le frein constitué par l’existence même d’un outil central de KM (base de
donnée, portail) n’existe plus. Il est remplacé par plusieurs outils propres au travailleur de l’information, qu’il utilise au gré de ses humeurs et de ses besoins et qui sont là avant tout pour lui
simplifier la tâche au quotidien. Le KM devient invisible à ses yeux, il ne lui demande pas d’effort supplémentaire car il est
diffus, dispersé dans les outils qu’il utilise quotidiennement à son profit, et partageable pourtant car appuyé de fonctionnalités sociales (fils rss, tags,
commentaires,…). Le KM n’est plus alors perçu comme un élément extérieur de plus
ayant sa place dans l’intranet d’entreprise, entre la rubrique RH et la compta. Il est présent implicitement dans le
quotidien du travailleur de l’information qui y contribue sans même s’en
apercevoir. Il ne le perçoit plus comme un système extérieur mais n’en voit que
les bénéfices qu’il en retire.
2 billets qui ont parlé de l’intervention de Dave Snowden:
- Lee Bryant (intervenant à ce même colloque) sur son blog Headshift
- Ana Neves sur Kmol