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Ci-dessous la chronique que j’ai livré à Veille Mag pour le mois d’Avril:
Selon une étude de lINSEE parue ce mois-ci, 95% des 15 19 ans surfent sur le net quasi-quotidiennement. Surfer est dailleurs un terme fourre-tout englobant à la fois la recherche dinformations, la consultation de comptes bancaires, la messagerie instantanée, le téléchargement de musique ou de films,
LINSEE indique également que la recherche dinformation est la première cause de connexion des français, juste avant lutilisation de lemail. En cela ils diffèrent des américains pour qui ces priorités sont inversées.
Sans vouloir relancer le débat désormais classique entre veilleurs/documentalistes dune part et moteurs de recherche de lautre, force est de reconnaître que les capacités de lutilisateur lambda en " information literacy " se renforcent. Ce concept, généralement traduit par celui de " compétences informationnelles ", est défini par lOffice de la langue française du Québec comme un " ensemble de compétences permettant de reconnaître l’existence d’un besoin d’information, d’identifier l’information adéquate, de la trouver, de l’évaluer et de l’exploiter en relation avec une situation donnée, dans une perspective de résolution de problème. ".
Ainsi dans un article du magazine CyberBTP datant dil y a un an, un formateur Internet à l’Ecole supérieure des jeunes dirigeants du bâtiment (ESJDB) expliquait : "Je commence à recevoir des élèves qui ont d’eux-mêmes déjà mis en place des pratiques de veille : veille technologique mais aussi veille concurrentielle."
Même si la plupart de leurs requêtes restent simples les capacités dinterrogation des internautes saméliorent petit à petit. Une étude de la société iProspect parue ce mois-ci montre par exemple que 41% des internautes interrogés changent de moteurs ou changent de requête lorsquils ne sont pas satisfaits des résultats obtenus. Ils nétaient que 28% à procéder ainsi il y a quatre ans. Tout nest pas encore parfait néanmoins puisque plus du tiers dentre eux pense que les compagnies présentes dans les premières pages de résultats sont les leaders de leur marché Une autre étude menée par Harvest Digital sur des internautes anglais montre que seul 24% dentre eux utilise un seul moteur de recherche, 20% affirmant interroger régulièrement 4 moteurs différents ou plus.
L " information literacy " nest pas la seule à connaître cet accroissement de compétences, en particulier chez les jeunes. Un sondage du Pew Internet and American Life Project paru en juillet 2005 montre que 87% des américains âgés de 12 à 17 ans utilisent Internet, contre 73% en 2000. Les quatre premiers usages quils en font sont, dans lordre, lemail, les jeux en ligne, la recherche dinformations/actualités et la messagerie instantanée. Si leur pratique est assez proche de celle des adultes pour ce qui est de lemail et de la recherche dinformations elle est beaucoup plus forte pour la messagerie instantanée.
Ce point doit être mis en relation avec lusage quils font du SMS. Linstantanéité dans les relations sociales semble chez eux devenu la norme et se réalise via plusieurs médias (dont il serait intéressant de comprendre les contextes dusage) : messagerie instantanée, SMS, MMS, chat mobile et bien sûr téléphone
Une étude du cabinet Energy BBDO parue en mars dernier a qualifié cette génération de " SuperConnectors ". En plus des compétences évoquées plus haut et de laisance avec laquelle elle manie les terminaux numériques, elle se caractériserait par une activité multitâche " naturelle " ainsi que par une volonté de pouvoir communiquer nimporte quand avec sa famille ou ses amis, doù son nom.
Mais les individus qui la composent ne se contentent pas dêtre de simples consommateurs dinformations ou de relations sociales. Une seconde étude du PEW parue en novembre 2005 nous indique que 12 millions daméricains âgés de 12 et 17 ans sont des créateurs de contenu sur Internet. 22% ont créé leur blog ou leur page web, 33% partagent leurs créations en ligne (photos, vidéos, podcasts) et 32% ont créé ou travaillent sur les sites web et blogs dautres personnes. Un joli pied de nez à ceux qui voyaient Internet comme linstrument ultime de la désocialisation.
Stoppons là cette avalanche de chiffres et tentons de comprendre ce quelle signifie dans le cadre de nos métiers.
Nous voyons des utilisateurs dont les compétences en recherche dinformation saméliorent, des jeunes qui ont mis en place des veilles sur les sujets qui les intéressent, une génération montante qui télécharge, joue en ligne, " tchate ", " uploade " et " blogue " aussi naturellement que nous allumions la télévision ou la radio (je suis un " enfant de la télé "). On sait que lon retient beaucoup mieux les informations qui entrent dans un objectif dapprentissage précis. Or, alors quon allume généralement la télé pour passer le temps, la plupart des démarches quon effectue sur le web sont subordonnées à un but. Elles demandent une implication, créent des compétences et du lien social là où les précédentes ne proposaient quune attitude passive.
Elles sont également génératrices de monceaux dinformation " domestique " que lutilisateur devra apprendre à gérer en utilisant des outils logiciels appropriés. Ce faisant il acquiert au quotidien les compétences dont il aura besoin en entrant dans un univers professionnel où Internet prend une place croissante. Pour lui le " personal knowledge management " ne sera sans doute plus un ensemble de compétences, méthodes et outils à maîtriser mais un bagage inconscient assimilé au fil de leau. Reconnaissons que cet acquis est tout de même plus riche que celui dune génération télé sachant pousser une zappette dans ses derniers retranchements et reprendre en cur le générique de Capitaine Flam.
Le défi pour les organisations sera bien évidemment de proposer des outils et des méthodes de travail correspondant à ces nouvelles pratiques. Chacun devra pouvoir se construire un environnement de travail à son image et, hormis, les applications critiques de lentreprise, utiliser les logiciels avec lesquels il est le plus à laise et le plus productif. Des nuits blanches en perspective pour les DSI.
Pour les veilleurs et documentalistes possiblement dépossédés, à terme, de leurs compétences en recherche dinformations, il faudra trouver dautres voies, qui heureusement ne manquent pas. Il y aura bien sûr les super-chercheurs maîtrisant des techniques telles que celles décrites par Johnny Long dans son livre " Google Hacking ", mais la principale valeur ajoutée de nos métiers en ces temps de surabondance informationnelle sera, à mon sens, ailleurs. En effet, analyser linformation structurée mais surtout non-structurée sera plus que jamais nécessaire, tout comme la rendre exploitable par un classement amélioré, et activable via une présentation pertinente. Pour cela certains " basiques " sont indispensables : lart de lanalyse et de la synthèse bien sûr, et donc de linterprétation, mais aussi plus simplement le fait de savoir sexprimer à lécrit. Il nest donc pas sûr que nos métiers doivent évoluer en étendant leur champ dactivité lorsquévoluer en fonction du nouveau média quest Internet est déjà une gageure. Notre valeur ajoutée résidera à mon sens dans un cur de métier stable, en prise directe avec les évolutions apportées par les nouveaux outils de la connaissance.
Enquêtes et études utilisées dans cet article :
Enquête périodique sur la diffusion et l’usage de l’informatique et d’internet en France, INSEE, mai 2006 : voir par exemple http://tf1.lci.fr/infos/multimedia/0,,3302866,00.html
" Teens and technology ", Pew Internet an American Life Project, janvier 2006
http://www.pewinternet.org/pdfs/PIP_Generations_Memo.pdf
"GenWorld: The new Generation of Global Youth," EnergyBBDO, avril 2006
http://www.energybbdo.com/uploads/GenWorld%20Overview.pdf
"Teens content creation", Pew Internet an American Life Project, novembre 2005
http://www.pewinternet.org/pdfs/PIP_Teens_Content_Creation.pdf
"iProspect Search engines user behavior study" iProspect, avril 2006
http://www.iprospect.com/about/searchenginemarketingwhitepapers.htm
"Search Engines research", Harvest Digital, avril 2006