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Comme la semaine dernière je vous propose un article que j’avais rédigé pour Veille Magazine à propos des services de "networking" en ligne. Cet article est paru en novembre 2003 et il y a de fortes chances pour que certaines adresses données à la fin soient périmées. Le fond me semble néanmoins encore utilisable:
Friendster, Ryze, Linked In, Visible Path, Spoke, Plaxo. Si vous ne connaissez pas encore ces sociétés aux noms étranges préparez-vous à en entendre beaucoup parler dans les mois qui viennent.
Aux Etats-Unis elles sont le phénomène internet du moment et les services qu’elles proposent sont au centre de nombreuses discussions. La prestigieuse O’Reilly Emerging Technology conference qui s’est tenu à Santa Clara en avril dernier leur a d’ailleurs consacré une journée entière.
Vous vous demandez sans doute quelle est l’idée géniale qui a permis à la start-up Spoke de lever 9,2 millions de $ en ces temps difficiles, ou fait s’exclamer Scott Krause, directeur technique de Napster : " Wonderful service and concept! ".
Et bien, au risque d’être déçus, il s’agit simplement de solutions ayant pour but d’aider les internautes à se structurer en réseaux sur le web et à utiliser au mieux les opportunités ainsi créées. Rien de neuf sous le soleil a priori.
En effet, depuis le système Plato (1960) jusqu’aux Yahoo Groupes en passant par les Bulletins Board Systems, les mailings lists et les communautés en ligne de type " The Well ", la création de lien social numérique a toujours été le moteur du développement d’Internet. Les scientifiques créateurs d’Arpanet s’en émeuvaient d’ailleurs en voyant les fonctions de messagerie générer bien plus de trafic que les bases de données en ligne. Plus récemment le succès écrasant du SMS sur le Wap prouvait à nouveau que le besoin de communiquer à distance, même pauvrement, l’emporte largement sur celui d’accéder à des contenus.
Là où ces outils baptisés " social network software " (logiciels de réseaux sociaux) se démarquent pourtant de leurs prédécesseurs c’est dans la mise en uvre d’une théorie basée non pas sur l’idée statique de communautés de partage d’intérêts1 mais sur celle plus dynamique des réseaux, et plus spécifiquement celle émise par Stanley Milgram en 1967 dite du " tout petit monde " (ou des six degrés).
Ce sociologue est à la base d’une des idées-virus les plus répandues dans les consciences contemporaines, qui postule que six personnes-relais sont suffisantes pour contacter n’importe quel inconnu sur cette planète.
Cette théorie contestée (Milgram aurait largement surévalué les résultats de l’expérience initiale) est devenue encore plus populaire avec le jeu en ligne consacré à l’acteur Kevin Bacon. Créé par un étudiant en informatique de l’université de Virginie cette application calculait automatiquement le degré de séparation de tout acteur américain des 40 dernières années d’avec Bacon (avait-il tourné avec lui? avec un acteur ayant tourné avec lui? etc). Il en résultait qu’aucun n’était séparé de Kevin Bacon de plus de 4 degrés. Un résultat qui le plaçait au centre d’un petit monde (et contribuait à sa renommée).
Les recherches universitaires issues de cette théorie ont ensuite donné naissance à des logiciels dits de " social network analysis " utilisés en psychologie, sociologie et sciences de l’organisation pour cartographier des réseaux humains et en tirer des sociogrammes.
Les sociétés cités précédemment doivent beaucoup à ces outils dont les plus connus ont pour nom Net Miner, Org Net, Krack Plot ou Net Vis mais, quoique s’inspirant toutes des idées de Milgram et proposant toutes une version numérique du proverbe " les amis de mes amis sont mes amis " (voir aussi les " blogrolls " évoqués le mois dernier), elles ne sont pas pour autant des clones les unes des autres. Comme nous le verrons, nous sommes en face de deux modèles de mise en uvre très différents.
" Bottom-up " ou " top-down " ?
Le premier, proposé par Friendster, Ryze ou Linked In, donne l’initiative à l’utilisateur final et peut-être qualifié de " bottom-up " (par la base).
Lorsqu’on s’inscrit à l’un de ses services en ligne la procédure est en général la suivante : on doit d’abord renseigner un profil avec photo, informations personnelles, centres d’intérêts, livres favoris, films préférés,…
On invite ensuite ses connaissances ou ses amis à rejoindre son réseau par des emails générés à partir du site même. Ceux qui ont déjà un profil actif sur le site doivent confirmer s’ils sont ou non des amis/relations (attention aux surprises!). Les autres, s’ils acceptent votre invitation suivent l’URL indiquée dans l’email qu’ils ont reçu et viennent remplir à leur tour une fiche profil sur le site web, lancent de nouvelles invitations puis accèdent à votre réseau. Le réseau virtuel se crée ainsi de manière exponentielle en assurant à chacun de ne pas être contacté par de complets inconnus.
Une fois connecté il est possible d’envoyer des messages aux membres du réseau, de chercher dans la base des profils, de demander à des intermédiaires proches d’être introduit auprès de " personnes-cibles ", d’acheter et de vendre …
Ryze, orienté uniquement sur les rencontres professionnelles, vous propose également de rejoindre des réseaux métiers existants dans une perspective de génération de contacts commerciaux évidente.
La société reprend à son compte le concept de marketplaces en le modifiant d’une manière telle qu’il pourrait bien être enfin opérationnel : on y vend des contacts humains avant d’y vendre des produits.
Cet aspect séduisant est pourtant le plus périlleux. Une entreprise qui autorise ses employés à utiliser ces solutions accepte de perdre de la visibilité sur leurs activités. En effet, le commercial de la société X ne crée pas des contacts avec l’entité Y mais avec un acheteur de celle-ci. Le pari est donc celui d’une régulation moindre de la part de l’entreprise pour un profit accru et le risque est bien sûr que les clients disparaissent quand les commerciaux passent à la concurrence.
La deuxième famille d’outils (Visible Path, Spoke ou Plaxo) procède d’une démarche inverse dite " top-down ", ou du haut vers le bas. Le logiciel a pour vocation a être déployé en mode client-serveur dans l’entreprise (les versions grand public comme celle proposée par Plaxo sont synchronisées sur les serveurs de la société).
Après l’installation d’un plug-in dans votre dans votre client de messagerie, un " crawler " va scanner la base de vos contacts, mais aussi celle de votre application d’" instant messaging " ou du logiciel accompagnant votre organiseur électronique (PDA). Les informations récupérées sur le poste de chaque employé iront ensuite enrichir la base de donnée centrale de l’entreprise.
En théorie chaque employé ayant besoin de contacter quelqu’un d’extérieur à sa société n’aura plus qu’à interroger cette base, contacter le collègue qui connaît la bonne personne et se faire introduire auprès d’elle.
En pratique ce n’est pas aussi simple. Il est évident que le carnet d’adresses d’un commercial est plus qu’un outil de travail, c’est son patrimoine, le capital de connaissances qui lui permet de développer son activité quotidienne et éventuellement de se " revendre " dans d’autres sociétés. Le partager serait donc contre-nature.
Les créateurs des outils top-down ont tenté de contourner l’obstacle en anonymisant le nom de l’employé détenant le contact, ce qui lui permet d’accepter librement de jouer ou non l’intermédiaire entre son collègue et le contact-cible.
Les freins à un tel outil restent néanmoins forts et l’intégrer dans une organisation devra demander au moins autant d’investissements en accompagnement de projets qu’en licences logicielles et en matériels, au risque de voir proliférer les doubles carnets d’adresses.
Ces deux familles d’outils partent donc d’une philosophie différente pour un objectif apparemment identique.
Apparemment, puisque les contacts créés de manière forcée sont moins intéressants qualitativement parlant que lorsqu’ils sont renseignés volontairement dans des applications " bottom-up ".
On peut donc imaginer un fonctionnement en parallèle qui les associerait plus qu’il ne les mettrait en concurrence.
Ainsi la puissance et l’exhaustivité des applications top-down pourrait être utilisée pour identifier " à qui vendre quoi ?" tandis que les applications bottom-up prendraient le relais pour répondre à la question " comment vendre à cette personne? ".
Pourtant il est possible que l’on assiste ni à une compétition, ni à une collaboration entre ces solutions. Un intrus nommé FOAF pourrait en effet venir mettre tout le monde d’accord. FOAF c’est l’acronyme de " friend of a friend " et, tout comme RSS (Really Simple Syndication), une instance du langage XML.
Son but est de permettre à chacun de donner sur son site web ou son blog des informations sur lui-même et ses relations. L’adresse email y joue un rôle prépondérant car, en considèrant qu’elle ne peut appartenir qu’à une seule personne, elle devient l’identifiant unique d’une base de donnée de contacts potentiellement aussi étendue que le web lui-même.
L’ensemble des informations fournies par le FOAFnaute (espérons que le terme change) sont inclues dans les tags standardisés d’un fichier XML qui permettront ensuite de les traiter avec des logiciels spécialisés ou de les rechercher dans des moteurs généralistes.
Pour l’instant ce format tout neuf est en cours de développement. Les logiciels pour traiter les données FOAF sont quasi inexistants mais c’est pourtant un projet qui a de fortes chances de réussir pour les raisons suivantes:
- Il accompagne le développement impressionnant des blogs et du format RSS
- L’internaute garde vraiment la main sur les informations qu’il donne
- Le contenu (les descriptions FOAF) existe déjà et augmente tous les jours. Les utilisations qu’on pourra en faire ne sont limitées que par l’imagination de ceux qui développeront les outils.
- Il est une création de l’univers " open source " et les logiciels à venir devraient être la plupart du temps gratuits.
Pour les veilleurs l’ensemble de ces services est évidemment une chance. L’aspect "renseignement humain " de la veille est souvent remisé au placard pour des raisons de droit. L’accès aux CV des employés étant logiquement interdit à toute personne n’exerçant pas des activités de recrutement, un responsable de veille n’a pas la possibilité de détecter leurs connexions éventuelles à des concurrents, prospects ou fournisseurs.
On imagine donc facilement comment ces logiciels basés sur le volontariat ou la liberté de choix pourraient être utilisés dans ce contexte.
Pourtant les écueils sont nombreux.
Hormis ceux évoqués à propos des carnets d’adresses des commerciaux il faudra aussi veiller à ce que ces systèmes ne soient pas utilisés comme de nouveaux baromètres de la performance. Une performance basée sur le nombre de contacts générés par les employés et les retombées commerciales qu’ils auront entraînés. Ce serait le meilleur moyen d’inciter ces derniers à ne pas s’en servir.
Enfin, ne nous berçons pas trop d’illusions sur la qualité des contacts générés. Même dans les meilleures conditions une rencontre virtuelle ne véhiculera jamais la richesse d’interactions d’une rencontre réelle.
1 Telle qu’émise par exemple par deux des fondateurs d’Arpanet, Taylor
& Licklider, in " The computer as communication device ", 1968
Plus d’infos sur les logiciels de réseaux sociaux :
http://conferences.oreillynet.com/pub/w/22/track_ssoftware.html
http://www.socialsoftwarealliance.org/
http://www.guardian.co.uk/online/story/0,3605,870848,00.html
http://www.plasticbag.org/
Outils " bottom-up " :
http://www.friendster.com/
https://www.linkedin.com/
http://www.ryze.com/
http://www.friendset.com/ (outil francophone en développement)
Outils " top-down " :
http://www.plaxo.com/
http://www.spokesoftware.com/
http://www.visiblepath.com/
Plus d’infos sur FOAF
http://www.foaf-project.org/
http://xml.mfd-consult.dk/foaf/ (quelques applications autour de FOAF)
http://www-106.ibm.com/developerworks/xml/library/x-foaf.html
Plus d’infos sur les logiciels de Software Network Analysis (SNA)
http://www.sfu.ca/~insna/
http://www.orgnet.com/
http://www.netminer.com/